FOR ETHNOGRAPHY

The amazement of public authorities when the yellow vests phenomenon appeared illustrates a paradox of today: the more we know what people do, with polls, big data, etc., the less we understand why. Ethnography is perhaps the most powerful way to understand the why.

What is striking, in retrospect, with the yellow vests’ movement is the initial lack of comprehension from public authorities, despite the countless instruments available to poll public opinion. It’s a symptom of a society where actors do not listen very well to each other. So, what are the listening instruments?

Let’s do a simple experiment. Take cars. Ask a man what car he would like to own. Ask him the question at a dinner party. Your friend will look around, and contextualize his answer.

If it’s a hipster dinner, he’ll probably declare that his next car will be a hybrid. If it’s a swanky dinner, he might talk about sports cars. If it is a dinner with not very rich former school mates, he will feign detachment vis-à-vis car fads.

If you ask the same question in front of a Renault dealership window, the conversation will likely drift to French cars versus German cars in general. If not to Carlos Ghosn’s adventures in Japan.

If, on the other hand, you ask him at home, or over a casual cup of coffee - in other words in a situation of privacy - there is a good chance for your friend will give you yet another answer. A private setting is a context too, but it is a context where staging oneself plays a lesser role, and where there are fewer external influences on the conversation.

Context determines answers provided by “respondents” in any study: the dinner party example is similar to “focus group” situations. Anyone who has attended such sessions has observed how gathered respondents gauge each other very carefully. Their responses are strongly determined by a primordial social reflex, the need to fit in; for a small number of respondents, it’s the opposite, and they make a point of standing out and contradicting everybody else. As in dinner parties, in fact.

The conversation in front of the Renault showroom is similar to in situ studies, at point of sale. Our answers will be determined by our desire to make the researcher hear opinions we want to voice about the brand we think he or she represents. Or, conversely, our desire to please the researcher.

The conversation at home, is the sort of private context that is created for an ethnography. No study can completely decontextualize a conversation or observation. But it is crucial to choose a context that triggers confidence and inspires the desire to speak with sincerity.

The other major difference between ethnography and other forms of research is that, since ethnography takes place in the context of the respondent’s life, it makes it more difficult to exaggerate or embellish. An exposed living environment encourages sincerity. For example, it is difficult to claim falsely to be into healthy diet when you know that the researcher will explore your cupboards and fridge.

Ethnography allows you to check what people say versus what they do. And to cross examine. The ethnographer does not content himself with answers and declarations. He seeks to understand a person within a life context.  Ethnography can be a stroll. A trip. A visit. A whole day at work; a whole day off. Observation is fundamental; questioning must remain in the background.

Ethnography allows us to understand people in their private context, their motivations, needs and desires, with fewer filters than other types of explorations. Of course, ethnography has little statistical significance. But combined with a solid quantitative segmentation, it allows to deep dive in each segment of the population, going beyond superficial conclusions and exploring authentic motivations as no other form of research can.

That is, of course, providing the ethnographer knows what he is doing. Knows how to observe and listen, versus rush respondents to give him the answers he needs. Knows how to bond with people so as to create a comfort zone, in which respondents feel free to speak up and act naturally. Knows how to guide people to the relevant topics by nudge, rather than control. We like to say ethnography is about getting answers to questions without asking them. By listening, observing, experiencing, feeling, sharing, and (gently) guiding.

 

 

With the development of “Big Data” and the increasing accessibility of quantitative data through on-line studies, we can all live in the illusion that we know society and individual behaviour better than before. Yet, while we have access to more statistical behavioural correlations, quantitative tools do not allow us to explore authentic motivations and desires. The more we know what people do, the less we know why.

Public and commercial actors are well aware of the need to really understand their audiences. Ethnography is the indispensable complement of quantitative and statistical knowledge to understand the why. So, public authorities, companies and brands, try the power of ethnography!

Christophe Abensour.

 

Pour l'ethnographie

La sidération des responsables devant l’éruption des gilets jaunes illustre un paradoxe d’aujourd’hui : plus on sait ce que les gens font, sondages, big data, moins on sait pourquoi. L’ethnographie est peut-être le moyen le plus puissant pour comprendre le pourquoi.

Ce qui est frappant, rétrospectivement, avec le mouvement des gilets jaunes, c’est la sidération initiale des autorités publiques, comme si, en dépit des innombrables instruments disponibles pour sonder l’opinion, les pouvoirs publics ne la comprenaient pas du tout, symptôme d’une société où les acteurs ne s’écoutent plus très bien. Alors, quels sont les instruments d’écoute ?

Faisons une expérience toute simple. Prenons l’automobile. Demandez à l’un de vos amis quelle voiture il aimerait posséder. Posez-lui la question lors d’un diner en ville. Votre ami va regarder autour de lui, et contextualiser sa réponse.

S’il s’agit d’un dîner de bobos, il va probablement déclarer que sa prochaine auto sera un véhicule hybride. S’il s’agit d’un dîner d’épicuriens, il va parler voiture sportive. S’il s’agit d’un dîner avec de copains d’avant peu fortunés, il va feindre le détachement vis-à-vis de l’esbroufe automobile.

Si vous posez la même question à votre ami devant la vitrine d’un concessionnaire Renault, la conversation aura de grandes chances de dériver sur les mérites de la marque au Losange, ou des voitures françaises en général. Voire sur les démêlés de Carlos Ghosn au Japon.

Si en revanche, vous posez la question à votre ami chez lui, en buvant le café dans son salon, ou lors d’une promenade en forêt, en d’autres termes, dans une situation d’intimité, il y a de fortes chances pour que votre ami vous donne une réponse tout à fait différente. Certes le cadre intime est un contexte aussi, mais c’est un contexte où la mise en scène de soi joue un moindre rôle, ainsi que les stimulations extérieures.

Eh bien, ces contextes sont ceux-là même qui déterminent les réponses que fournissent les « répondants » d’une étude : le dîner en ville, c’est la situation de « focus group ». Quiconque à assisté à de telles séances peut témoigner que les répondants assemblés se jaugent les uns les autres avec beaucoup de soin. Leurs réponses sont fortement déterminées par un réflexe social primordial, le besoin d’appartenance et d’adhésion ; pour un petit nombre, c’est l’inverse, et ils mettent un point d’honneur à se démarquer. Comme dans les dîners en ville, en somme.

La conversation devant la vitrine de Renault, c’est l’étude faite in situ, dans le linéaire ou le contexte marchand. Nos réponses seront déterminées par notre envie de faire plaisir à l’enquêteur, ou au contraire de lui faire entendre notre opinion quant à la marque que nous pensons qu’il représente.

La conversation en forêt, dans le cadre de l’intime, c’est l’ethnographie. Aucune étude ne peut totalement décontextualiser une conversation ou une observation. Mais elle peut choisir un contexte qui se prête à la confidence et qui suscite l’envie de confier un propos sincère.

L’autre très grande différence entre l’ethnographie et les autres formes d’études, c’est que, l’ethnographie se déroulant dans le cadre de vie du répondant, le contexte ne se prête pas à la mise en scène sociale, et rend plus difficile l’exagération ou l’embellissement. Le cadre de vie exposé encourage la sincérité. Par exemple, il est plus difficile de prétendre qu’on est un adepte d’une alimentation saine lorsque l’on sait que l’enquêteur a demandé à explorer les placards et le frigidaire de la maison.

L’ethnographie permet de croiser le dire et le faire. Et d’interpréter l’un par l’autre. L’ethnographe ne se contente pas de réponses et de déclarations. Il cherche à comprendre une personne dans son contexte de vie ; l’ethnographie peut être une déambulation. Un trajet. Une visite. L’observation de l’enquêteur est fondamentale ; les questions doivent rester au second plan.

L’ethnographie permet de comprendre la personne dans son contexte intime, sans que le contexte social fasse obstacle à la compréhension des motivations, des besoins et des désirs. Bien sûr, l’ethnographie n’a pas de significativité statistique. Mais croisée avec une segmentation quantitative solide, elle permet d’aller au-delà d’une analyse superficielle et d’explorer les motivations authentiques d’un segment bien défini de la population comme aucune autre forme d’étude.

Tout cela à condition, bien entendu, que l'ethnographe sache ce qu'il fait... Qu'il sache observer et écouter, plutôt que de simplement s'impatienter pour obtenir la réponse à ses questions. Qu'il sache créer un lien avec les répondants, une zone de confort qui leur permette de s'exprimer librement et d'agir naturellement. Qu'il sache guider doucement (nudge) le répondant vers les sujets à explorer, plutôt que de tenter de contrôler la conversation. Nous aimons dire que l'ethnographie consiste à obtenir les réponses à des questions sans avoir à les poser. En se contentant d'écouter, d'observer, d'expérimenter, de ressentir, de partager, et de guider subtilement.

 

Avec le développement du « Big Data » et l’accessibilité croissante des données quantitatives par les études on line, nous pouvons vivre dans l’illusion que nous connaissons mieux la société et le comportement individuel. Pourtant, si nous avons accès à plus de corrélations statistiques quant au comportement, les outils quantitatifs ne permettent pas d’explorer les motivations et les désirs authentiques. Plus on sait ce que les gens font, moins on sait pourquoi.

Les acteurs, publics et commerciaux, se rendent bien compte de la nécessité qu’il y a à réellement comprendre leurs publics. L’ethnographie est le complément indispensable du savoir quantitatif et statistique pour comprendre le pourquoi. Alors, pouvoirs publics, entreprises et marques, ne vous privez pas du pouvoir de l’ethnographie !

Christophe Abensour.

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